26 mars 2016

Le Havre, Jean-Luc Tartarin, la vie !

Nous voilà donc au Havre, ville martyre des bombardements alliés, presque totalement rasée pendant la seconde guerre mondiale. Sa reconstruction fût l’œuvre d'architectes parfois visionnaires maniant comme nul autre le béton, et dont deux des plus beaux exemples sont donnés par Oscar Niemeyer et Auguste Perret. Reconstruction du Havre, avec des techniques novatrices et des approches nouvelles, comme cette église Saint Joseph, à l'opposé complet du style roman que j'affectionne. Mais ce modernise est tellement maîtrisé et si bien équilibré qu'il dégage une impression similaire de plénitude, de force et de sérénité. Pour preuve ces quelques visions personnelles du monument.


Après une rapide visite de ce temple de l'art nouveau, il était temps de se restaurer de façon sérieuse, chez Jean-Luc Tartarin dont le prestige est très justement souligné dans le guide pneumatique depuis quelques années.

 
Nous avons opté pour le menu « Dégustation » décliné en 7 services, complété par quelques amuse-bouche remplissant parfaitement leur rôle.

L’Œuf de Poule à « juste température », Asperges et émulsion de Parmesan
La juste cuisson basse température qui donne une texture en bouche soyeuse, l'association réussie des saveurs. Excellent plat, tant en goûts qu'en texture.

Grosse langoustine fumée à la braise de Romarin, Cappuccino de jus de têtes à l’encre de seiche
Le fumage au Romarin qui apporte une touche fraîche et végétale à l'iode (même pour ceux qui ne profitent pas du plat quand les effluves sont présentes).

St Jacques et Coques ébouillantées, par un consommé Thaï légèrement mentholé
Le snaké exact respectant la chair exquise de la noix, le consommé thaï finement aromatique, oriental et frais. Superbe.

Levée de rouget Barbet pochée dans l’huile d’olive, Brunoise de fenouil croquant, Jus beurré et concentré d’une Bouillabaisse
La puissance du rouget, associé aux touches anisées du fenouil. Très beau.

Saint Pierre rôti à l’huile de colombo, Mangue / Courgettes / Noix de Coc
Finesse et délicatesse superlative du St Pierre, la douceur des épices et l'association avec l'aromaticité fraîche de la manche. Le plat !

Ris de Veau « Crousti-Moelleux », Panure de Truffes et Persil, Mousseline de Noix, Asperges vertes de Mallemort 
Pour les adeptes, un magnifique plat crousti-fondant !

Aiguillettes de Poulette de la « Cour d’Armoise », Morilles, Une sauce Albufera
Une volaille qui ferait bien notre ordinaire tant la cuisson « rosée » respecte la délicatesse de la chair. C'est simple mais diablement efficace, même pour un week-end de Pâques ! Superbe (bis).

Millefeuille à la vanille Bourbon
Un millefeuille revisité mais d'une sensualité extrême. Superbe (ter).

Agrumes du « Moment » en gelée de citronnelle, Sorbet Clémentines
J'ai été conquis par ce dessert. Et pourtant, ce n'était pas gagné. Une façon très agréable de terminer un repas d'anthologie.
Seul regret sans doute, pas de vin de dessert ...

Post-dessert

Côtes du Roussillon, « Eos » 2012, domaine Laguerre : un joli vin d'apéritif, sur une minéralité appuyée mais bien équilibrée par des amers sapides, une tension acide  bon aloi et un côté aromatique sachant rester frais (grenache blanc / maccabeu 65 / 35). Très beau.

Saumur blanc, « L’Insolite » 2014, domaine des Roches Neuves, Thierry Germain : un chenin encore sur le fruit, d'une belle maturité, fraîcheur mentholée, acidité traçante et équilibrée par un gras élégant. Un vin qui a su s'adapter aux différents plats. Minéral sur l'oeuf, plus iodé sur les St Jacques, puissant sur le rouget et redevenant fin et élégant avec le St Pierre. Excellent vin déjà très agréable et d'une garde appréciable.

Marsannay, « En Montchenevoy » 2006, Philippe Charlopin-Parizot : j'ai été bluffé par cette appellation en mal de (re)connaissance. Un nez à peine évolué, très murs, sur les fruits noirs assez corpulent, finalement assez proche d'un Gevrey Chambertin dont il est le voisin. En bouche, belle acidité pour ce pinot caméléon, à la fois sérieux, puissant et structuré en dégustation pure, et sachant devenir élégant, presque fin au contact de la volaille. Réserve d'acidité importante, sur un substrat nuiton marqué. Excellent + (et plus même quand l'élevage sera totalement intégré).

On m'avait prévenu que le prix des vins était hallucinant. Certes, les coefficients appliqués y sont élevés, dans une moyenne plutôt haute par rapport à d'autres restaurants d'un standing similaire, mais j'y ai quand même trouvé deux pépites à des tarifs restant décents.


Une table de très haut niveau, un accueil et un service à la fois stylés et décontractés, un rythme soutenu mais équilibré (un peu plus de 3 heures pour un menu « dégustation »), nous reviendrons avec grand plaisir goûter cette cuisine située presque tout en haut de notre panthéon personnel.

En route maintenant pour la côte normande afin de profiter des rares rayons de soleil d'une après-midi déjà bien entamée.

Bruno

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