Il est des habitudes tenaces, d’autant plus
que d’années en années, le plaisir est non seulement au rendez-vous mais semble s’amplifier, un peu comme les vins de Bourgogne. Le diner gastronomique à
la table du restaurant de l’Hostellerie
de Levernois en est un.
Dans l’attente d’une décennie de séjours à célébrer en 2019, le mot d’ordre
2018 était « carte blanche ». Carte blanche orchestrée de main de
maître par Nicolas Geoffroy, le chef-sommelier qui nous a concocté, avec la
collaboration du chef Philippe Augé, une double surprise : le menu
dégustation en 4 plats et un accord mets et vins en complète aveugle.
Dès notre arrivée, nous sommes accueillis par
un couple de « Marchands de bonheur, créateurs et réalisateurs de
rêves » comme ils se baptisent, Suzanne et Jean-Louis Bottigliero qui
tiennent les lieux depuis près de 15 ans. Mise en musique fluide, service attentif
et attentionné, stylé et décontracté, toujours cette impression d’être un peu à
la maison.
Mention spéciale pour le challenge de nous surprendre tout en restant classique dans le
choix des vins, mais avec un grain d’originalité … pour notre plus grand
bonheur.
Commençons par un apéritif, accompagné de ses
amuse-bouches avec un Meursault les Cloux, 2016, domaine Dupont-Fahn : un vin de caillou, très minéral,
tendu, avec un fin gras qui habille l’ensemble. En bouche, association d’une
belle tendresse et d’un léger grillé élégant. Belle entrée en matière. Très Bien
A table !
En guide d’amuse-bouche :
Le Risotto Acquerello au Vert, Cuisses de Grenouilles et Escargots de
Bourgogne, Crème d’Ail doux
Le Confit de Foie gras de Canard au Cassis, Raviole de
Potimarron et pain d’Epices
L’Omble Chevalier bio, (Ecrevisses), Gnocchi, Caviar et
Sabayon au vin jaune
Noix de St Jacques, Endivettes, Artichauts et Truffe de
Bourgogne
Bœuf charolais piqué au Lard de Colonatta
Les Fromages … et quelques interprétations personnelles !
En pré-dessert : sur le thème glace, chocolat et café
La Sphère Granny Smith et Pomme Tatin
Premier vin
C’est
un blanc construit sur la légèreté et la floralité au nez. En bouche, c’est
assez gras, entourant une trame minérale saline sur une belle épice douce.
Légère grillé perceptible, mais justement dosé. Superbe allonge sur la
fraîcheur, une sorte de puissance maîtrisée, avec un retour laissant apparaître
des touches fumées. Je pars sur un chardonnay assez jeune, plutôt minéral, sur
le caillou, la trame allongée, dans un millésime pas trop mur (j’exclus donc
2015). Verdict : Vin de Pays
d’Oc, Les Roques, Roussanne 2015, Jean-Marc Boillot. Quelle
forme ! Très Bien +
Deuxième vin
Le vin présente une robe jaune dorée assez
évoluée. Premier nez un peu retenu, mais qui va s’ouvrir très rapidement.
Minéralité et floralité, belle trame acide, une impression de force tellurique
et un habillage aromatique grand. Bouche complètement fondue, avec du
caractère, un côté traçante et une rondeur avenante. Grande aromatique.
Puissance très élégante, avec un retour sur de magnifiques amers nobles et une
sorte de mâche presque tannique. Finale sur des notes tertiaires type
champignons, puissante, avec une acidité enrobée qui allonge l’ensemble. Je
pars sur un chardonnay de noble origine, plutôt style Grand Cru mais que je ne
place pas (Trop « gras » pour les Chablis et le Corton Charlemagne, et
manque évident de recul sur les Montrachets). Il s’agit d’un vrai faux Grand
Cru, puisque c’est un Meursault, premier cru les Perrières 2000, domaine
Potinet-Ampeau. Exceptionnel
(au panthéon des bourgognes dégustés en 2018).
Troisième vin
On part sur un grand rouge présentant une
robe rubis légèrement évoluée, très brillante et déjà salivante. Nez avec un
côté animal justement dosé, comme il faut pour garder ses notes de fruits murs,
plutôt fruits noirs, complétés par des fragrances épicées et une tendre
évolution. C’est (déjà !) profond et suave. J’en bave encore à faire le
CR. Grande bouche de pinot noir noble, avec des arômes complexes, fondus, une
belle acidité apportant un soyeux et une suavité exceptionelles. C’est tannique
mais équilibré, une sorte d’infusion d’épices douces et de réglisse. Accord
proche de l’idéal avec le bœuf « sauvage ». Je pars sur un côte de
Nuits assez évolué, plutôt Vosne ou Chambolle, sur 2006 par exemple. C’est
un Volnay,
premier cru Clos de la Bousse d’Ord 1999, domaine de la Pousse d’Or. Le frère « jumeau » du précédent : Exceptionnel (au panthéon des bourgognes dégustés en 2018). Volnay un vin féminin ? Tu parles !).
Petit supplément
Avec
le dessert, pas de surprise puisque nous partons sur un Maury 20 ans, domaine du Mas Amiel :
un nez très confit, sudiste, sur les figues séchées, une impression solaire
sans lourdeur. Bouche un peu rancio, avec une trame acide assez vive, mais
l’accord avec la pomme l’a sans doute un peu desservi. Bouche aromatique et
fruitée mais très concentrée, figues, peau de noix, avec un oxydatif ménagé
élégant. En fin de bouche, le vin se transforme et laisse paraître des notes
sur la réduction, un côté tannique marqué et un grain d’élevage encore présent.
Très Bien +
Que
dire en conclusion ? Encore une fois l’excellence est là, sans
ostentation, avec un professionnalisme sans cesse renouvelé. Tout est parfait,
depuis l’accueil à l’Hôtel du Parc jusqu’au restaurant étoilé. Merci à toutes
les équipes pour ces moments d’exception qui se renouvellent chaque année.
C’est
donc vrai, nous sommes chez un Marchand
de bonheur, un créateur et réalisateur de rêves.
Vivement
notre prochaine visite en Juin 2019 pour fêter une décennie de séjours à
Levernois !
Bruno