Oenophile, j′avais une vague idée de la chose, et cela semblait
me correspondre, mais Sybarite, quel
était ce terme un peu barbare ? Au fil de mes recherches sur la toile, je tombe
sur cette définition : « doctrine philosophique prônant la recherche du plaisir,
de la luxure et l′indiscipline ». Diantre ! La tentation était grande !
Ni une ni deux, me voilà donc accepter l′invitation
très amicale du Président Mauss, créateur et organisateur d′événements liés aux
(grands) vins tels que le « Davos du vin » et pour lesquels le toujours
sémillant quoique grisonnant Oliv
prête sa plus belle plume pour nous relater des escapades gastronomiques toujours plus
alléchantes, et maintenant devenues cultissimes.
Je tiens à remercier très chaleureusement François Mauss pour cette soirée exceptionnelle : les
« Oenophiles Sybarites » qui s′est tenue au Park Hyatt Vendôme.
Deux invités d′honneur pour ce repas
dégustation : Jean-Marc Raveneau de la maison François Raveneau
et le Marquis Piero Antinori de la maison Antinori de Firenze.
Le menu concocté par le chef
Jean-François Rouquette
Langoustines rafraîchies des « îles du Levant »
Relevées de grains de citron caviar,
Nage réduite parfumée au fenouil sauvage
Pour moi, un plat de substitution sur une base d'asperges
Les premières asperges sont toujours un plaisir, d'autant plus que la cuisson était al dent, proche de la perfection
Noix de St Jacques, velouté de cresson au beurre noisette & à la sauge
Excellent plat, une mousse à la sauge superlative, et qui s'associe parfaitement avec les noix. Petit reproche sans doute, une cuisson un peu appuyée (il est vrai que je préfère toujours les St Jacques en carpaccio). Excellent.
Brochette d′agneau Allaiton de l′Aveyron au romarin
Epaule confite au zeste de citron
Quel agneau : cuisson juste rosée pour la brochette, association très heureuse entre le confit et le côté vif des zestes de citron. Plat sublime.
Saint Nectaire fermier
Que pourrait bien dire Oliv de cette assiette de fromage ?
Finger au chocolat grand cru,
Lacté Jivara aux noisettes du Piémont
Mon palais plus salé que sucré s'est régalé sur cette composition. Peut-être un léger regret : un Porto vintage eut été un mariage idéal, mais ce n'était pas le thème de la soirée.
Les vins dégustés en accompagnement de ce
menu :
Chablis,
premier cru Butteaux, 2014, domaine Raveneau
: un chablis jeune, plutôt bien construit, encore sur l′élevage, tension
minérale restant à affiner (le temps fera l′affaire), une touche poudrée très
agréable. Belle entrée en matière.
Chablis,
premier cru Montée de Tonnerre, 1991, domaine Raveneau : le saut dans une dimension d′exception pour ce vin à
parfaite maturité. La quintessence du chablis oserais-je dire. Tension ronde (sucré
sec comme dirait Philippe Bourguignon, dont la connaissance du vin en général,
et du vin de Bourgogne en particulier, est encyclopédique). Minéralité miellée,
tous les contraires assemblés au millimètre. Une bouche tonique, tellurique, on
pourrait presque dire tannique tant l′énergie interne de ce vin est immense.
Finale marquante, dans le bon sens du terme, sur de beaux amers nobles, une
pointe réglissée, un miel d′une douceur extrême. Magnifique.
Chablis,
premier cru Butteaux, 1986, domaine Raveneau
: la première impression est plus mitigée. J′ai d′abord pensé à une apogée
dépassée pour ce vin. Mais non ! Avec l′aération, le nez se développe, commence
à laisser apparaître un équilibre plus atypique, presque sur le « semi-oxydatif
». Je m′explique. Cela me rappelle les Saumur Brézé de noble origine, comme
ceux du Clos Rougeard par exemple. Tension immense, notes de pommes vertes, …
le tout étant enrobé dans un élevage (encore) assez marqué. Tendu et sec à la
fois, quelques senteurs me rapprochent des Auslese mosellans, par une
aromatique plus développée. Il a sans doute encore de belles années devant lui.
Aujourd′hui, je lui décerne un Excellent.
Toscana
IGT, Tignanello, 2004, domaine Antinori
(sangiovese / cabernet sauvignon / cabernet franc : 85 / 10 / 5) : très beau
vin, sur le fruité, la maturité et la puissance maîtrisée. Belle aromatique
générale. Corps élégant, fin et allongé, m′évoquant un équilibre bourguignon.
Finale claquante, élégante, laissant apparaître des amers ronds, une sorte de
quadrature du cercle. Excellent +.
Bolgheri
DOC superiore, Guado al Tasso, 2007, domaine Antinori (cabernet sauvignon / merlot / cabernet franc / petit
verdot : 57 / 10 / 30 / 3) : un vin plus charpenté mais plus élégant, sur un
équilibre assez bordelais mais sans cette sorte de raideur qui me fait ne pas
apprécier à leur juste valeur ces crus. Ici, la charge tannique est juste, la
bouche est chaleureuse sans lourdeur ni caricature. Comme l′a justement
souligné le Président Mauss, le marquis d′Antinori n′a jamais cherché à faire
des vins de concours (bodybuildé). La maturité est optimale, dans la mesure où
je ne perçois qu′a peine des notes de poivrons murs. Excellent.
Toscana
IGT, Solaia, 2001 (cabernet
sauvignon / cabernet franc / sangiovese : 75 / 5 / 20) : une sorte de synthèse
entre les deux vins précédents, quoique le potentiel de ce vin est immense. RDV
dans 20 ans pour l′apprécier à sa juste valeur. Très jeune, c′est une sorte de
Bordeaux vintage, profond, un grain tannique superlatif, une allonge fraîche,
le tout se terminant par une amertume élégante. Déjà excellent aujourd′hui. Sans doute exceptionnel dans 20 ans.
En conclusion, une très belle soirée avec, cerise sur le gâteau, une table idéale, avec Etienne Klein et
Antoine Petit, deux esprits éclairés tels que le siècle des lumières a pu en
produire, et Philippe Bouguignon dont la connaissance des vins n′a d'égal que la gentillesse. La conversation fût en tous point enrichissante pour moi, sans cette barrière invisible liée à mon inculture (relative) dans le domaine des sciences théoriques. Merci messieurs de cette très belle parenthèse.
Je mesure aujourd′hui la chance d′avoir pu vous croiser et discuter avec vous l′espace d′une
soirée.
Nous sommes fin prêts pour une revanche. Que
dis-je une revanche, la prochaine fois, ce sera une bataille de couteaux !
Bruno