23 juin 2018

Fontevraud le restaurant - épisode 2

Fort d’une première expérience très réussie, nous avons décidé de terminer notre périple ligérien par une soirée et une nuit au sein même de l’abbaye de Fontevraud. Maintenant auréolé d’un macaron au guide pneumatique, macaron largement mérité dès l’ouverture du restaurant, nous souhaitions nous assurer de la montée en puissance de l’assiette de Thibaut Ruggeri, Bocuse d’or en 2013.

Avant toute chose, évacuons deux problèmes récurrents semble-t-il à cet établissement.

1/ Le concept du « i Bar » n’a aucun intérêt pour l’apéritif : accueil plus que limite, carte minimaliste (« un verre de blanc ? », « c’est du blanc ! ») et tables / tablettes géantes gadget. A éviter (prendre l’apéritif en salle directement).

2/ Il serait très fortement souhaitable que le restaurant se dote à la fois d’un responsable de salle / maître d’hôtel et d’un sommelier, et ce, pour plusieurs raisons. L’accueil et le service sont parfois limites (le minimum est quand même de demander aux convives s’ils ont terminé avant d’enlever les desserts …). Pour le vin, si nous avons choisi des classiques bien connus, je ne suis pas certain que la personne officiant en salle eût pu nous proposer une alternative à une interrogation du type « auriez-vous un vin dans le style de ceux de … ? »). Comme pour le restaurant Bras lors de notre visite en 2016, la conservation de l’étoile est, à mon avis, à ce prix (c’est d’ailleurs sans doute aussi pour cela que Sébastien Bras s’est retiré du Michelin !).

Passons maintenant aux choses plus sérieuses avec notre choix qui s’est porté sur le menu « Grand Chapitre » :

Révolution du Potager
Superbes associations de senteurs et de saveurs dans un concept proche du gargouillou, des légumes ’al dente’, une boule de glace au fenouil tip top, des sauces succulentes. Grand plat

Œuf de poule, asperges vertes
Petit bémol sur ce plat pour lequel la mousse de blancs d’oeufs aux agrumes était trop imposante par rapport au jaune et aux asperges. Léger déséquilibre (un peu ’lourd’)

Le Champignon de Paris à Fontevraud
Sublime plat complètement équilibré, entre la mousse de foie gras vivifiée et vivifiante grâce à une touche délicatement vinaigrée, des champignons avec un gout magnifié

Carpaccio de Langoustine

pour l’allergique que je suis : Lieu jaune de ligne, herbes à soupes
Un pain de poisson revisité, et quelle revisite. Fraîcheur, associations (encore), goûts sublimés ...

Daurade, céleri rave rôti entier
Complexe, association juste entre la chair délicate et aromatique, le côté anisé du céleri et des zébrures. Si je dois y trouver un défaut, peut-être une cuisson un peu trop poussée ... mais j’aime les poissons crus

Pigeon Maine Anjou, asperges blanches
On retrouve le sublime, cuisson au millimètre, saveur superlative du pigeon, complexifié par les noisettes, légumes plus que des faire-valoir. Grand plat de nouveau

Veau du Limousin, petits pois et morilles

Plateau de fromages
Raisonnable je suis

Le défilé des Abbesses
Un feu d’artifice sur le sucre, mais tout en légèreté et en élégance. Quelle belle manière de terminer le repas !

Grandes associations de mets, un festival d’odeurs et de saveurs, des plats parfaitement réalisés, des complexités ultimes et une Confirmation d’une très très grande assiette. Je prédis à Thibaut Ruggeri un avenir radieux s’il corrige quelques défauts mineurs dans sa cuisine.

Pour accompagner ce repas, trois vins au programme.

Un Vouvray, Clos de la Bretonnière 2014, domaine de la Taille aux Loups (Jacky Blot) : nez floral, dégageant une sensation grasse avec une fine réduction sur le grillé. Très grande aromaticité, avec un fond poudré / chevrefeuille. Bouche à l’avenant, minérale à souhait, très chenin (tendue) dans sa construction. Grande et belle acidité noble, une pointe saline en supplément. Finale qui reprend du gras, de l’élégance (encore plus) et une rétro-olfaction sur la fraîcheur type menthol, laissant une sensation « semi-perlante ». A l’aération, la bouche prend de la mâche, à la manière des vins rouges, laisse une impression et une empreinte presque tannique. Notes « Brézé » dans un dernier temps. Excellent +

Un Saumur Brézé, 2013, domaine Guiberteau : grand nez très élégant dégageant déjà une impression de puissance. La pointe réduite légèrement fumée apporte un supplément de plaisir. Bouche sur un registre similaire, très puissante, d’une grande minéralité longiligne, peut-être manquant un peu d’aromatique et de volume. C’est puissant et corpulent, mais la composante 3D fait un peu défaut. Finale traçante, sur une acidité noble décuplée, mais sans impression décharnée. Sans doute aujourd’hui encore très (trop !) jeune pour libérer le potentiel du vin. Très Bien +

Un Bourgueil, Perrières 2014,  domaine de la Butte (Jacky Blot) : cabernet franc de noble race au nez, avec une corbeille de fruits à parfaite maturité, intense et fraîche, une touche crayeuse complexifiée par un fumé discret. A l’agitation, notes viandées animales élégantes. En bouche, le vin est éminemment jeune, mais dévoile déjà tout son potentiel. Maturité, amertume noble des tannins, fruité intense, pour dessiner finalement une bouche qui possède à la fois volume et velouté. Tannins très jeunes, pour une finale se mariant parfaitement avec la chair délicate (et idéalement cuite) du pigeon. Excellent avec un potentiel de vieillissement (et de plaisir) énorme.

Voilà, je retiendrais de cette soirée un moment exceptionnel de gastronomie, avec une assiette de très très haut niveau, une belle carte des vins même si la présence de quelques millésimes plus anciens que 2013 / 2014 serait un plus (c’est là qu’on décèle l’absence d’un vrai sommelier à la recherche de coins à champignons parmi les producteurs locaux). Service à améliorer d’urgence pour transformer l’essai et conserver le graal du macaron, voir pour grimper un peu plus encore dans la hiérarchie.

RDV dans quelques temps pour évaluer les progrès accomplis.

Bruno

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