Fort d’une première
expérience très réussie, nous avons décidé de terminer notre périple
ligérien par une soirée et une nuit au sein même de l’abbaye de Fontevraud.
Maintenant auréolé d’un macaron au guide pneumatique, macaron largement mérité
dès l’ouverture du restaurant, nous souhaitions nous assurer de la montée en
puissance de l’assiette de Thibaut Ruggeri, Bocuse d’or en 2013.
Avant toute chose,
évacuons deux problèmes récurrents semble-t-il à cet établissement.
1/ Le concept du « i
Bar » n’a aucun intérêt pour l’apéritif : accueil plus que limite, carte
minimaliste (« un verre de blanc ? », « c’est du
blanc ! ») et tables / tablettes géantes gadget. A éviter (prendre
l’apéritif en salle directement).
2/ Il serait très
fortement souhaitable que le restaurant se dote à la fois d’un responsable de
salle / maître d’hôtel et d’un sommelier, et ce, pour plusieurs raisons.
L’accueil et le service sont parfois limites (le minimum est quand même de
demander aux convives s’ils ont terminé avant d’enlever les desserts …). Pour
le vin, si nous avons choisi des classiques bien connus, je ne suis pas certain
que la personne officiant en salle eût pu nous proposer une alternative à une
interrogation du type « auriez-vous un vin dans le style de ceux de
… ? »). Comme pour le restaurant Bras lors de notre visite en 2016,
la conservation de l’étoile est, à mon avis, à ce prix (c’est d’ailleurs sans
doute aussi pour cela que Sébastien Bras s’est retiré du
Michelin !).
Passons
maintenant aux choses plus sérieuses avec notre choix qui s’est porté sur le
menu « Grand Chapitre » :
Révolution du Potager
Superbes
associations de senteurs et de saveurs dans un concept proche du gargouillou, des
légumes ’al dente’, une boule de glace au fenouil tip top, des sauces
succulentes. Grand plat
Œuf de poule, asperges vertes
Petit bémol sur ce plat pour lequel la
mousse de blancs d’oeufs aux agrumes était trop imposante par rapport au jaune
et aux asperges. Léger déséquilibre (un peu ’lourd’)
Le Champignon de Paris à Fontevraud
Sublime plat complètement équilibré, entre
la mousse de foie gras vivifiée et vivifiante grâce à une touche délicatement
vinaigrée, des champignons avec un gout magnifié
Carpaccio de Langoustine
pour l’allergique que je suis : Lieu jaune de
ligne, herbes à soupes
Un pain de poisson revisité, et quelle
revisite. Fraîcheur, associations (encore), goûts sublimés ...
Daurade, céleri rave rôti entier
Complexe, association juste entre la chair
délicate et aromatique, le côté anisé du céleri et des zébrures. Si je dois y
trouver un défaut, peut-être une cuisson un peu trop poussée ... mais j’aime
les poissons crus
Pigeon Maine Anjou, asperges blanches
On retrouve le sublime, cuisson au
millimètre, saveur superlative du pigeon, complexifié par les noisettes,
légumes plus que des faire-valoir. Grand plat de nouveau
Veau du Limousin, petits pois et morilles
Plateau de fromages
Raisonnable je suis
Le défilé des Abbesses
Un feu d’artifice sur le sucre, mais tout
en légèreté et en élégance. Quelle belle manière de terminer le repas !
Grandes associations de
mets, un festival d’odeurs et de saveurs, des plats parfaitement réalisés, des
complexités ultimes et une Confirmation d’une très très grande assiette. Je
prédis à Thibaut Ruggeri un avenir radieux s’il corrige quelques défauts
mineurs dans sa cuisine.
Pour
accompagner ce repas, trois vins au programme.
Un
Vouvray, Clos de la Bretonnière 2014,
domaine de la Taille aux Loups (Jacky Blot) : nez floral, dégageant
une sensation grasse avec une fine réduction sur le grillé. Très grande
aromaticité, avec un fond poudré / chevrefeuille. Bouche à l’avenant, minérale
à souhait, très chenin (tendue) dans sa construction. Grande et belle acidité
noble, une pointe saline en supplément. Finale qui reprend du gras, de
l’élégance (encore plus) et une rétro-olfaction sur la fraîcheur type menthol,
laissant une sensation « semi-perlante ». A l’aération, la bouche
prend de la mâche, à la manière des vins rouges, laisse une impression et une
empreinte presque tannique. Notes « Brézé » dans un dernier temps. Excellent +
Un
Saumur Brézé, 2013, domaine Guiberteau :
grand nez très élégant dégageant déjà une impression de puissance. La pointe
réduite légèrement fumée apporte un supplément de plaisir. Bouche sur un
registre similaire, très puissante, d’une grande minéralité longiligne,
peut-être manquant un peu d’aromatique et de volume. C’est puissant et
corpulent, mais la composante 3D fait un peu défaut. Finale traçante, sur une
acidité noble décuplée, mais sans impression décharnée. Sans doute aujourd’hui
encore très (trop !) jeune pour libérer le potentiel du vin. Très Bien +
Un Bourgueil, Perrières 2014,
domaine de la Butte (Jacky Blot) : cabernet franc de noble race
au nez, avec une corbeille de fruits à parfaite maturité, intense et fraîche,
une touche crayeuse complexifiée par un fumé discret. A l’agitation, notes
viandées animales élégantes. En bouche, le vin est éminemment jeune, mais
dévoile déjà tout son potentiel. Maturité, amertume noble des tannins, fruité
intense, pour dessiner finalement une bouche qui possède à la fois volume et
velouté. Tannins très jeunes, pour une finale se mariant parfaitement avec la
chair délicate (et idéalement cuite) du pigeon. Excellent avec un potentiel de vieillissement (et de plaisir)
énorme.
Voilà, je retiendrais de
cette soirée un moment exceptionnel de gastronomie, avec une assiette de très
très haut niveau, une belle carte des vins même si la présence de quelques
millésimes plus anciens que 2013 / 2014 serait un plus (c’est là qu’on décèle
l’absence d’un vrai sommelier à la recherche de coins à champignons parmi les
producteurs locaux). Service à améliorer d’urgence pour transformer l’essai et
conserver le graal du macaron, voir pour grimper un peu plus encore dans la hiérarchie.
RDV dans quelques temps
pour évaluer les progrès accomplis.
Bruno
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