9 mai 2018

La Grenouillère à la Madelaine sous Montreuil (62)

Point d’orgue de notre périple dans les Hauts-de-France, nous voilà dans le hameau de la Grenouillère, sis à la Madelaine sous Montreuil à quelques pas des chemins empruntés jadis par Jean Valjean. C’est là qu’Alexandre Gauthier s’est installé, prenant la suite de son père et transformant l’auberge familiale en un « Relais & Châteaux » aussi atypique que confortable. Il bénéficie en outre d’une situation particulièrement attrayante, au bord de la Canche dont les rives ont été aménagées en un chemin de promenade ou un parcours sportif suivant son courage.
A peine arrivés, nous sommes dirigés vers le petit salon où une collation nous est proposée : limonade et palets maison. Une très belle entrée en matière, qui fait idéalement la transition entre le monde de dehors et celui de dedans, une sorte d’initiation pour franchir la « clôture ».

Puis vient le moment de prendre possession de nos chambres. Nid douillet quoique spacieux (très spacieux), literie de qualité et de taille king size, équipements haut de gamme, salle d’eau majestueuse, … même si la décoration nous semble un peu trop sombre, mais nous sommes dans le détail.

Un peu de marche au calme et dans la sérénité des berges ne peut pas faire de mal avant le repas. Voici donc quelques vues de l’endroit.

Arrive enfin le moment de pénétrer dans le restaurant. Après un apéritif servi au salon, avec une foultitude d’amuses-bouche visant à attiser nos sens (et c’est réussi, notamment avec une asperge crue et sa sauce moutardée), nous arrivons dans la salle de restaurant qui fait la part belle au modernisme, avec une association heureuse du métal et du verre (sorte de « Halle Baltard » revisitée), et du cuir comme revêtement sur les tables.

Passons aux choses sérieuses, avec un menu unique constitué de 11 plats en ce mercredi soir.

Navet, langoustine …

Pour lallergique que je suis, un Bonbon concombre ... 

Maquereau rafraîchi, petits pois …

Blinis de lait entier, tourteau …

Même tarif, même punition, une composition Fleurs et racines ...

Asperges vertes rôties …

Câpres, araignée géante …

Chou, céleri, truffe …

Artichaut, vanille …

Agneau de lait, laitue braisée, oseille …
(le gourmand avait commencé à manger)

Rhubarbe, bouleau …

Fraise, cerfeuil perpétuel …

Cacao, amandes, vinaigre cristal

… le tout agrémenté de quelques surprises ou intermezzos comme « couteau, blanc d’œuf, farine de sésame », « fleurs d’asperges et crème de stilton », « boulette de poulet rôti » (une sorte de guimauve au goût de poulet rôti dans laquelle on a l’impression de croquer la peau grillée du poulet : ah, ces souvenirs d’enfance),  et un 

« rayon de miel de St Denis »

Cuisine de très haute volée, assez originale mais pour laquelle les associations fonctionnent à merveille. Mentions spéciale pour ma part au Maquereau (une sorte de Sashimi revisité à la mode bretonne !), les asperges vertes, les câpres (et oui !), l’agneau d’une tendreté et d’un fondant superlatifs … et l’ensemble des desserts. « Entre plats » de très haut niveau également. Seul l’association artichaut / vanille était en deçà.
Service jeune, décontracté mais précis et de haut niveau, sommelière à l’écoute et de bon conseil (la prochaine fois, je me laisserai tenter par le forfait 4 verres, dont un Trousseau sur l’araignée : il fallait oser !). Point complémentaire, la cuisine est totalement ouverte sur la salle, et nous assistons tout au long du repas au ballet des préparations, le tout dans un calme et une maîtrise totale du geste, sous la houlette d’Alexandre Gauthier.

Pour accompagner le repas, nous avons donc choisi :

En apéritif, un Montagny 2016, Bouchard Père et fils : un vin simple, plutôt floral, avec une rondeur équilibrée par une fine acidité. Plaisant et frais mais pas transcendant ! Bien (ma réflexion toute personnelle : il semble que certaines appellations communales n’aient pas le même potentiel que d’autres, à moins qu’il s’agisse d’un effet « négoce »).

Avec les 7 premiers plats, un Rully, premier cru Grésigny vieilles vignes 2014, Vincent Dureuil-Janthial : voilà un chardonnay qu’il est beau ! Le nez est classique du cépage, sur les amandes, une touche grillée, l’ensemble étant très élégant. Un élevage « juste » transparait. En bouche, le vin est serré, avec une belle acidité élégante, un toucher salivant et vibrant. Beaux amers sur une finale très vineuse. On a bien affaire à des vieilles vignes.
Au cours du repas, et avec la succession des plats, le vin n’aura de cesse que d’évoluer, et toujours dans le bon sens. Quelques exemples. Avec le maquereau, regain de gras et de puissance, apparition d’une salinité gourmande et renforcement des amers. C’est, à mon avis, l’accord majeur. Avec les fleurs et racines (à la place du tourteau pour moi), l’équilibre reste similaire, même si on perçoit une acidité plus marquée et plus tranchante. Avec les asperges (puis les câpres), étonnamment, le vin devient plus serré et presque « tannique » sur la finale, sans être marqué par l’amertume des asperges (qui se marient bien et renforcent le côté amers nobles). Avec le chou, le céleri et la truffe, le vin évolue sur un registre beaucoup plus minéral et tendu, sur la pierre à fusil, m’évoquant plutôt les Puligny.
Conclusion sur le vin : Excellent (+)

Avec l’agneau, un Bourgueil, les Perrières 2011, Catherine et Pierre Breton : joli nez sur un fruit encore bien net et éclatant, perception d’un fruit récolté à juste maturité, une pointe de « grain tannique » transparaît déjà. Notes sur les cerises noires et le kirsch. En bouche, du caractère, un grain tannique juste comme il faut, une acidité bien placée et pratiquement intégrée, un véritable cabernet franc bien mur. Très Bien +

Puisque nous sommes raisonnables, pas de vin de dessert, mais le CF se tenait encore bien devant les fraises, sans provoquer toutefois un accord exceptionnel.
Découverte de ce double étoilé avec une confirmation que la table d’Alexandre Gauthier tutoye les sommets. Une cuisine extrêmement originale dans laquelle des plats d’anthologie sont aujourd’hui dignes d’un trois-étoiles : le maquereau, les asperges, les câpres, l’agneau et les trois desserts proposés ce soir. Seul bémol, l’association artichaut / vanille trop étouffée, un peu « molle » et manquant de caractère.
En conclusion, la Grenouillère constitue une très grande adresse que je recommande très fortement.

Bruno

Aucun commentaire: