1 décembre 2012

Une vision du Grand Tasting

Il faut bien avouer que le Grand Tasting constitue (encore) un rendez-vous incontournable pour les amateurs de vins. Incontournable en effet parce que l'organisation est sans faille : des conditions de dégustation presque optimales avec une température en salle modérée, des verres dignes de ce nom (même si on peut regretter une caution dont le montant a tendance à suivre le salaire des stars du PSG ou le prix du moindre cru de Bourgogne lambda), une impression de place entre les stands et un plateau très éclectique, quoique j'y reviendrai. On peut toujours proposer des axes d'amélioration, comme par exemple la mise en place de crachoirs supplémentaires au pied de tous les stands, évitant un engorgement trop rapide chez certains !
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Plateau de renom et éclectique quoique ! Si le bordelais se taille toujours la part du lion dans ce genre de manifestation (le poids des billets, le choc des classement), je regrette malgré tout une dérive assez sensible cette année, la multiplication des maisons de négoce au détriment de vignerons indépendants. Sans doute un équilibre subtil à creuser pour MM. Bettane et Desseauve et leurs équipes.
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Passée une attente d'un petit quart d'heure ma foi raisonnable - l'occasion de rencontrer quelques têtes connues comme la star de l'Este, dont le tout nouveau statut n'a pas tourné la tête - nous voilà à pied d’œuvre pour les dégustations.
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Voilà donc ma vision du Grand Tasting (même méthodologie que précédemment, les blancs en premier, puis les rouges, les sucres et enfin les rouges sucrés type Porto).
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La Chablisienne
Chablis, les Vénérables 2009 : un vin tendu, frais, floral au nez. La bouche reste élégante et fraîche. Belle pointe saline et minérale en finale. Bien ++.
Chablis, Premier Cru Mont de Milieu 2010 : Une marche supplémentaire de finesse, de "crayeusité" / minéralité. La bouche est complexe, entre gras et tension. Joli grain carbonaté en bouche, et finale mentholée et grillée. Très Bien.
Chablis, Premier Cru Vaulorent 2009 : un peu fermé au premier abord. Notes de menthe fraîche. Serré en bouche. Une grosse matière légèrement réduite, un peu grasse en finale. A revoir car le vin ne se présentait pas sous les meilleurs auspices.
Chablis, Grand Cru Les Preuses 2008 : élégance et fraîcheur au nez, sur une base corpulente et tendue. Bouche très chablisienne, sur l'iode et la coquille d'huitre (le retour de l'Homme Mort), le tout enrobé par un gros volume qui a du caractère. Finale claquante, avec un retour grillé du plus bel effet. Excellent.
Chablis, Grand Cru Grenouilles 2009 : certes plus fermé, mais une impression de légèreté (relative), de fraîcheur et de menthol. La bouche est très charnue (effet millésime ?), de beaux amers. Gros potentiel. Peut-être à mon gout un léger manque de tension. Très Bien +.
Un classique de l'appellation. Une gamme cohérente et des vins toujours très bien réalisés.
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Domaine aux Moines
Savennières Roche aux Moines 2010 : une impression similaire à celle que j'avais ressentie ICI, un supplément de puissance et de force en plus. Excellent.
Savennières Roche aux Moines 2011 (tiré de la cuve - assemblage définitif) : une sensation de gras et de sucre au nez (ce n'est qu'une impression puisque le vin est strictement sec). Très fruits exotiques et minéralité. Bouche qui possède un joli grain, sur une ossature minérale pas encore en place. Sera très grand.
Savennières Roche aux Moines, les Moines 2010 : nouvelle cuvée issu d'un élevage long, quasi semi-oxydatif. Le nez est conforme à l'élevage, une pointe oxydative mesurée. Par contre, la bouche est magnifiquement complexe, entre droiture et gras. C'est proprement cristallin. Excellent ++.
Une nouvelle cuvée très passionnante, qui ne demande qu'à être découverte après vieillissement.
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Domaine Ferraton père et fils
Saint Peray, le Mialan 2010 : belle aromaticité au nez, avec une impression d'opulence et de richesse. La bouche est ronde, sphérique, un peu molle et manquant de distinction.
Hermitage; les Miaux 2010 : nez sur la fraîcheur et l'élégance. Bouche structurée, légèrement réduite, et qui laisse apparaître des amers salivant. Belle longueur. Très Bien.
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Domaine de St Just / Château de Brézé
Saumur, les Perrières 2011 : un nez très floral, frais, sur l'eucalyptus. Très pur. La bouche possède une grosse tension, équilibrée par la floralité de l'ensemble. Un vin bâti sur la longueur. Bien ++.
Saumur, Coulée de St Cyr 2010 : un joli grillé / réduit au nez. C'est déjà très élégant et vineux. Attaque en bouche sur le café torréfié. Ensuite, c'est frais, long, complexe et très vineux. Très Bien +.
Saumur, Château de Brézé, Clos David 2010 : un vin tout en finesse et en élégance, floral et fruité, avec une finale magnifique et étirée sur de beaux amers salivant. Excellent +.
Saumur Champigny, les Terres Rouges 2011 : nez croquant sur les fruits rouges, la bouche est simple, mais bien construite. C'est buvable et presque gouleyant. Bien ++.
Saumur Champigny, Montée des Roches 2010 : impression de maturité et de profondeur. Jolis tannins épicés, avec du caractère. Très Bien ++.
Saumur Champigny, Clos Moleton 2009 : nez mur, résiné, une touche de poivron cuit. La bouche est plutôt sur un équilibre sphérique, quoique tendue par une belle acidité. Reste frais en finale. Très Bien +.
Saumur, Château de Brézé, 2011 : un nez très profond, encore sur le fruit, dégageant une impression de suavité. La bouche de demi-corps est sur un équilibre de fraîcheur, de fruité. Très Bien.
Saumur, Château de Brézé, Clos Tue Loup 2010 : un aspect très sérieux au nez, sur une belle sève. La bouche est joliment construite, même si les tannins restent encore aujourd'hui un peu anguleux. Belle trame complexe, acide et fruitée. Bien +++.
Un changement de style du domaine qui commence déjà à être perceptible dans les vins, avec un supplément de pureté, de droiture et de "cristallinité", tant en blanc qu'en rouge. Un grand merci à Arnaud Lambert pour ses explications et son invitation. A très bientôt pour approfondir ces impressions.
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Domaine de la Chevalerie
Bourgueil, les Galichets 2010 : un nez fruité presque perlant. Un vin de demi-corps, léger, sans doute un déficit de maturité.
Bourgueil, Chevalerie 2010 : un nez évoquant le poivron, avec des effluves de fruits noirs. Même style d'équilibre en bouche.
Bourgueil, Grandmont 2010 : encore du poivron au nez. La bouche est déséquilibrée, avec du corps mais plutôt sucreux.
On passe.
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Luciano Sandrone
Nebbiolo d'Alba, Valmaggiore 2010 : joli amers végétaux au nez ... mais qui s'amplifient par trop en bouche.
Barbera d'Alba 2010 : douceur et élégance au nez. Belle profondeur en bouche. Fraîcheur et tannins soyeux. Amers domestiqués ici. Très Bien +.
Barolo, le Vigne 2008 : c'est très puissant, tout en sachant rester frais. Très séveux en bouche. Finale sur une belle amertume noble. Très Bien.
Une gamme un peu hétérogène, mais Dieu que le "coin Italie" est mal agencé et mal pensé. Ce n'est pas rendre service aux vins et vignerons de ce pays que de les parquer de la sorte.
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Elena Walch
Alto Adige Bianco, Beyond the Cloud 2010 : un vin complètement atypique (pour un chardonnay majoritaire), sur une aromatique de muscat sec, pouvant évoquer des VDN du Languedoc. Bien +.
Vino da Tavola, Kermesse 2008 : nez sur les petits fruits noirs, un peu animal. Bouche (trop) boisée, tannins crémeux, puissant. Bien ++.
Alto Adige, Cabernet Sauvignon Riserva Castel Ringberg 2006 : un vin qui m'a bien plus, élégance, équilibre, fraîcheur et belle aromaticité. Très Bien.
Difficile cette première approche d'un domaine que je ne connaissais pas.
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Domaine de la Bégude
Bandol, domaine de la Bégude 2009 : c'est un vin tannique, corpulent et qui se termine par de beaux amers. Un peu 'too much' et 'too bitter' à mon gout. Bien +.
Bandol, domaine de la Bégude 2008 : si le vin est sensiblement plus fondu que le 2009, les tannins y apparaissent plus secs. Bien.
Bandol, domaine de la Bégude 2004 : le nez est clairement animal, très giboyeux. La bouche est bien fondues, des tannins assez civilisés. Bien ++.
Bandol, domaine de la Bégude, cuvée la Brulade 2006 : élégance et rondeur dominent mes impressions. Un manque de je-ne-sais quoi pour bien apprécier ce vin. Bien +++.
En conclusion, la forte proportion de Mourvèdre apporte à mon gout un peu trop d'amertume qui m'a empêché d'apprécier ces vins à leur juste valeur.
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André Brunel - Les Cailloux
Côtes du Rhône, Sommelongue 2011 : Un fruité explosif et sérieux / séveux. Frais, structuré, épicé et salin. Finale réglissée, avec des tannins lactés sans lourdeur. Très Bien (dans sa catégorie bien sur).
Châteauneuf du Pape, Les Cailloux 2011 : minéralité évoquant les galets chauffés. Belle constitution en bouche, c'est rond, lacté, droit et minéral. De beaux amers salivant en finale. Très Bien ++.
Châteauneuf du Pape, Les Caillous 2010 : un vin construit sur un registre plus frais. Légèrement maquillé au nez (et ce n'est pas un défaut en l’occurrence ici). Bouche élégamment fumée, avec une grosse minéralité qui soutient le vin. Très étiré en finale. Claquant. Excellent +.
Châteauneuf du Pape, cuvée du Centenaire 2010 : Un vin qui m'a paru posséder une très grosse structure, et éminemment de garde mais mon palais sans doute un peu fatigué ne m'a pas permis d'en dégager une opinion tranchée. Sans doute à reprendre dans un contexte plus calme. Mon souvenir : c'est beau ... mais je ne pourrais pas être plus précis.
Belle découverte que ce domaine dont je possède quelques 2005 et 2007. Je vais donc patienter quelques années encore.
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Graham's
Graham's proposait ici la dégustation d'une série de Porto Tawnies, dont la caractéristique principale est un élevage sous bois relativement long, de type semi-oxydatif. Les Porto de type Tawny sont riches et moelleux, avec un beau boisé fondu.
Tawny 10 ans d'âge : un nez sur les pruneaux et le cognac, les noisettes et les fruits secs. La bouche est très complexe, pruneaux, café frais, notes de fruits et de chocolat. Sur un équilibre de demi-corps (!), il présente un très léger rancio en finale. Bien +++.
Tawny 20 ans d'âge : un nez plus en retenu au premier abord, mais finalement sur une impression plus liquoreuse. Impression confirmée en bouche, avec une belle trame acide, élégante et très aromatique. C'est vraiment rond et velouté. Très enrobant en finale. Très Bien ++.
Tawny 30 ans d'âge : énorme nez sur le vieil armagnac, l'alcool vieux élevé sous bois noble. Une pointe de tabac que l'on va retrouver décuplé une fois le verre vide. Bouche sur une grosse liqueur, glycérinée, une impression d'alcool élégant, tapissant sur la noix fraîche et les zestes d'agrumes. Finale magnifique sur le tabac blond, les épices douces. Excellent ++.
Tawny 40 ans d'âge : le nez présente un équilibre similaire au précédent, peut-être un peu plus sur la retenue. Notes de fruits secs et de boisé en sus. C'est toutefois encore plus élégant. La bouche est sur une fraîcheur superlative, quoique riche. Interminable. Notes de tabac à pipe magnifiques. Excellent ++.
Cerise sur le gâteau, nous avons eu le privilège de goûter un Graham's 1969 : issu de trois fûts isolés d'une même récolte, il ne s'agit pas d'un vintage puisque le millésime n'avait pas été déclaré. Devant la qualité du vin produit, Graham's a choisi de produire quelques bouteilles de ce nectar : nez de grand alcool plutôt typé Single Malt (Islay). Léger café torréfié, nuances et caramel et de boisé noble. La bouche est un extrait se jus de pruneaux, de café et de bois. Quelques notes épicées. C'est frais et équilibré. Coup de cœur assurément.
Belle série de Tawnies qui ne constitue pas forcément le Porto le plus recherché. Belle gamme très cohérente, non dénuée de douceur et de charme.
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Taylor's - Fonseca
Traditionnellement le dernier domaine que l'on visite, tant les vins sont y marqués par une puissante, certes maîtrisée, mais qui écraserait ses successeurs.
Fonseca, Quinta de Panascal 2001 : un nez sur la confiture de cerises noires et rouges, une pointe fumée. Équilibre en bouche sur l'alcool, mais sans lourdeur. Richesse, fruité et puissance aromatique. Belle astringence noble. Finale réglissée. Très Bien.
Fonseca, Guimaraens 2001 : dans les années où il n'y a pas de Vintage, la maison Fonseca peut produire, à l'instar des seconds vins de Bordeaux, un Porto plus souple et plus précoce, à partir de composants un peu moins puissants. Un vin sur un registre assez évolué, très fruits noirs, une pointe d'amertume noble. Tannins fondus et réglissés. Bien ++.
Fonseca, Vintage 2007 : un assemblage de trois Quinta (Cruzeiro, Santo António et Panascal). Un nez très clairement sur les fruits profonds, concentrés et mûrs. La bouche est corpulente, puissante, extrêmement persistante. Grande complexité sur un fond d'élégance. Les tannins sont veloutés. Excellent.
Taylor's, Quinta de Vargellas 2001 : grosse profondeur au nez, fruitée et ronde. Notes de cassis et de cerises. Serré en bouche, sur une charge tannique imposante. Fraîcheur, fruits noirs et rouges. Finale légèrement cacaotée. Excellent +.
Taylor's, Quinta de Terra Feita 2001 : un nez plus animal, sur le kirch, les cerises à l'alcool et la prune. La bouche est plus ronde que son homologue (liée à la plus forte proportion de Tinta Barroca), plus élégante, avec une charge tannique moins marquée. Une finale confiturée, plus élégante mais moins persistante que le précédent. Excellent.
Taylor's, Vintage 2007 : un nez très racé, mentholé, frais, associant également une belle corbeille de fruits mûrs (cassis et fraises des bois). Le vin est explosif en bouche, presque 'massif'. Belle acidité de structure qui vient dompter les tannins telluriques. Éminemment jeune. Finale sur les fruits, mûre et éclatante. Excellent ++.
Taylor's et Fonseca, deux lectures du Porto, le premier sur un registre de puissance, le second sur un registre de plus de rondeur. Deux expressions du plaisir. Deux maisons, deux lectures différentes, mais que la comparaison est passionnante.
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Voilà, il est tant de remballer notre carnet de notes, de ranger notre stylo et de rentrer afin de digérer toutes ces impressions. Un bien joli salon.
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Je garderai - en forme de boutade - le mot de la fin que nous avons vécu sur un stand dont je tairai le nom, même sous la torture. Un monsieur 'bien sous tout rapport', costume gris et cravate (j'ai tout le matériel dans la R16) s'approche :
"Bonjour, je suis journaliste, donnez moi votre meilleur vin ... enfin, le plus ancien".
Professionnel qui disait ! Sans doute a-t-il trouvé sa carte de journaliste au consulat du Boukistan ou de Syldavie ! Allez, c'est décidé, je remets mon costume légendaire de courant d'air ...
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La suite au prochain épisode.
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Bruno

1 commentaire:

Oliv a dit…

Commencer par un Chablis, les Vénérables 2009, vous l'avez fait exprès avec le JP, c'est pas possible ?! ;o)

Confirmation de la très belle gamme chez André Brunel, du délicieux Côtes du Rhône à prix angélique à la monumentale Cuvée Centenaire.
Les Cailloux, un domaine à suivre !

Bisous,
Oliv