12 novembre 2010

Restaurant Régis et Jacques Marcon (2)

Nous voilà donc à pied d'oeuvre, impatients de choisir de quels mets sera composé notre dîner. Ayant un peu triché au préalable, en consultant régulièrement ces derniers jours le site internet du restaurant, j'oriente aimablement mon épouse vers le menu "Entre Velay et Vivarais".
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Pour commencer le repas : les petits savoureux apéritifs,
petites cuillères légères, pour nous ouvrir l'appétit
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J'ai particulièrement apprécié le tartare de boeuf (au premier plan), qui s'est développé en bouche en trois temps : sur la viande, sur des notes salées puis sur une finale épicée sans excès, toujours sur un registre de fraîcheur.
La bille de framboise à la betterave est très intéressante également.
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Cèpe et grenouille, pour nous faire patienter
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Une grenouille qui a de la cuisse, presque 'barbecuté', alliée au croquant des cèpes.
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Châtaignes et champignons
Transparence de crème de châtaignes,
omble chevalier confit aux épices de sapin, champignons crus et cuits
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Cuisson à basse température ultra-précise, respectant parfaitement la chair du poisson (presque translucide), dosage parfait des épices, judicieux choix de légumes, croquants et goutus. Excellentissime.
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Nerratous
Premières Saint Jacques rôties au gingembre,
marinière de nerratous
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La chair fine de la Saint Jacques et le croquant des nerratous offrent à nos papilles une association improbable, déroutante, mais ô combien gourmande.
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Craterelles et chanterelles
(Craterellus, Cantharellus lutescens)
Filet de sole rôti aux raisins et craterelles, salsifis blancs au verjus
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Une association sole / verjus / champignons presque braisés originalement salivante, sur un registre doux-amer.
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Ris de veau aux deux truffes
Ris de veau rôtis aux cardons et céleris, sauce mousseuse aux deux truffes : la blanche d'Alba (Tuber Magnatum Pico) et la truffe de Bourgogne (Tuber Uncinatum)
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Le plat de la soirée à mon gout, l'association ris / cardons, l'anisé du céleris associé aux notes pétrolifères des truffes, et la sauce d'un crémeux ... je vous dis que ça. Une tuerie !
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Champignon du moment à la tanaisie
Thé de champignons parfumé à la feuille de Tanaisie
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Force tannique du thé associé aux notes champignonnées, meilleur que le meilleur des trous normands !
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Grouse rôtie
Grouse rôtie et sa garniture de légumes d'automne
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Une viande marquée par un acidité / amertume imposante, un côté corsé presque sauvage, qui s'associe à merveille avec les légumes et la charpente du Châteauneuf.
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Les fromages d'Ardèche et d'Auvergne,
préparés suivant la suggestion du chef
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Autant j'ai beaucoup apprécié le 'gratin de Fourme' et le 'Roquefort à la gelée debetterave', j'ai trouvé que le 'granité de Bleu et son sorbet pomme' était un peu en retrait (à moins que ce ne soit l'ordre de dégustation proposé : au milieu, puis à gauche et enfin à droite). Le seul petit bémol de la soirée.
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Avant-dessert top slurp !
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Les douceurs, avec les chauds, les glacés et les pâtisseries (dessert façon baba revisité pour Madame, dessert sur le thème de la chicorée et du chocolat pour moi)
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Que dire des desserts, avant-dessert et après-dessert. Tout fût parfait, tant la présentation que les associations et l'accord avec le Rivesaltes.
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Mignardises et chocolat aux cèpes, pour que la fête ne soit jamais finie.
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Pour accompagner ce repas, nous avons choisi, après que le sommelier nous eut annoncé que le château Grillet 2007 initialement choisi était épuisé (Grrr ...) :
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Condrieu, Coteau de Vernon 2008, domaine Georges Vernay : que dire de ce vin. Personnellement, j'ai une affection particulière pour le cépage viognier lorsqu'il est travaillé de la sorte. Une robe pâle, traduisant la jeunesse du vin. Au nez, la première impression est la droiture, bien loin des caricatures de Condrieu gras, lourds et maladroitement abricotés. Ici, le vin est tendu par une acidité assez forte, mais qui ne m'a pas géné. Bien sur, on ne retrouve pas l'opulence d'un 2005 ou d'un 2007 mais j'ai trouvé le vin équilibré, frais, franc, droit et tonique.
Une légère pointe de sous-maturité ou d'acidité semble apparaître avec la transparence de châtaignes, mais il s'agit là sans doute d'une légère discordance entre le vin et le plat (légumes anciens et crémeux velouté / sucré).
Avec le Nerratous, puis les Craterelles (et sans doute l'aération), le vin reprend du volume et un peu de gras. En particulier, j'ai noté un très bel accord avec la chair fine et délicate de la Saint Jacques.
Accord presque magique avec les ris de veau. La sauce mousseuse et la truffe viennent magnifier le vin et ressortir son caractère à la fois minéral et presque gras.
La gajeure était de trouver un vin "caméléon", capable de s'adapter avec les quatre plats. Je m'autorise à penser que le pari a été relevé avec brio.
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Châteauneuf du Pape, château Rayas 2001 : changement complet de registre. Une robe relativement claire, sans notes d'évolution. Au nez, impression de complexité mélant des notes de rose fanée et de litchi (qui me rapellent le "rosé de Rayas" dégusté en compagnie de mes condisciples du Gunthard Club), de fraises, d'agrumes, de violette et d'olives. On ressent une impression de profondeur, de puissance et de fruité. Une légère note de garrigue et d'épices fumées. En bouche, le vin associe finesse et puissance, richesse et élégance. Extrêmement complexe, sur une belle acidité minérale, il possède une "mâche presque bourguignonne". Délicat, soyeux et caressant. La finale est à l'avenant, fraîche, d'une longueur phénoménale, très légèrement réglissée.
En présence de la chair de la grouse - délicate, relativement forte et présentant une amertume élégante - le vin se magnifie, renforce son caractère minéral, presque atypique pour un Châteauneuf du Pape, tout en restant sur un registre élégant.
C'était mon premier Rayas - peut-être mon dernier - mais Dieu que l'expérience fût délicieuse.
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Rivesaltes Hors d'âge, cépage Malvoisie, domaine L'Héritier : un vin présentant un très bel équilibre général. Un nez sur les oranges confites, le cacao, le café torréfié (en grains) et un rancio mesuré. La bouche est très gourmande, équilibrée, sur le café, les pruneaux et les fruits confits. Richesse et puissance s'associent à un rancio élégant et salivant. Belle synthèse entre le gras et la fraîcheur. Très belle liqueur possédant une persistance exceptionnelle. Magnifique accord avec le dessert chicoré.
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Une soirée exceptionnelle à bien des égards. Que la vie est belle pendant ces (trop courts) instants d'émerveillements de nos sens.
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Un profond respect à Régis Marcon et à son équipe qui nous ont fait aimer leur terre, leur cuisine et leur conception du monde.
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Bruno

3 commentaires:

Easy kitchen a dit…

un très beau repas. équilibré et subtil. Une belle cuisine; je vois qu'ils utilisent aussi de la Tanaisie comme Sulpice à Val Thorens, je n'avais pas été super emballée par cette plante.

Antoine MANTZER a dit…

Superbe dîner !!, je suis presque jaloux. Je pense que ce ris de veau, suivit de la grousse, tout ça "sous Rayas", ça devait être un immense moment ! Bravo Bruno

Bruno Bosselin a dit…

Antoine,

Les ris de veau et la grouse furent en effet le point d'orgue d'une soirée magique.

Pas de jalousie à ressentir. Peut-être juste de l'envie (comme j'avais eu en voyant vos reportages précédents)

Amicalement


Bruno